Luc Tuymans
Devant nous apparaît une vue d’un village flamand typique, comme on en a peint tant d’autres apparemment. Sauf que si on s’attarde devant ce tableau d’un village des Polders, on a la sensation que quelque chose cloche. Les fenêtres manquent, les portes et les murs sont fermés. Non seulement la tranquillité qui se dégage en général de telles scènes fait défaut, mais on sent au contraire comme une menace qui en émane. Tout un monde échappe à notre regard, certaines choses sont invisibles ou manquent et ce vide exerce un effet étrange. Ce sentiment bizarre, inconfortable, se définit comme das Unheimliche, l’inquiétante étrangeté. Pourtant à première vue, les œuvres de Tuymans restituent das Heimliche, le familier rassurant, jusqu’à ce qu’on prenne conscience de la menace de ce silence de mort qui en émerge. Ou comme l’affirme Tuymans en personne : « Les images doivent – lorsqu’elles veulent produire un effet – receler un silence terrifiant, un silence ou un vide rempli. Il faut que la vue de l’image rende le spectateur immobile, qu’elle le fige. »