Fish Story est la troisième oeuvre d'un cycle sur la géographique imaginaire et matérielle dans un monde capitaliste avancé. Sketch for a Geography Lesson (1983) passe en revue un lien entre l'espace imaginaire du romantisme allemand et le terrain insidieux de la Guerre froide. Canadian Notes (1986) a étudié le lien entre le domaine des industries d'extraction, l'architecture de banques et l'iconographie de l'argent imprimé et a louvoyé entre une banque qui se dissimulait dans un paysage et un paysage industriel qui se dissimulait dans une banque. 

Avec le glissement des paysages statiques aux étendues marines liquides et avec la déstabilisation de l'équilibre géopolitique mondial au début de l'année 1989, l'incertitude et la passion d'une vaste oeuvre en cours d'exécution semblaient à leur place. Les lieux ont été choisis pour leur caractère fantasque et thématique. En général, les choix ont été basés sur une recherche de centres de puissance maritime présents et passés, ainsi que de zones plus périphériques souvent soumises à une seule puissance dominante, comme au Mexique, ou de régions qui étaient autrefois coincées entre des puissances supérieures comme la Corée et la Pologne.

Dès le début, le projet est conçu à la fois en tant qu'exposition et en tant que livre avec des « chapitres » présentés dans l'ordre. L'ordre définitif des chapitres et des photos et textes au sein des chapitres est quasiment identique dans l'exposition et dans le livre. Dans l'exposition, 105 photos en couleur sont placées dans l'ordre sur quelques murs et espaces et elles alternent avec 26 panneaux textuels accrochés à différentes distances des photos. Au niveau graphique, ces panneaux textuels sont les compagnons photographiques en noir et blanc des photos en couleur. La relation spatiale de l'image à l'image, de l'image au texte et du texte au texte prend inévitablement une autre forme dans les pages d'un livre. En outre, le livre permet l'ajout d'un autre texte parallèle et il devient ainsi un tout autre objet...

L'exposition Fish Story comprend également deux projections de diapositives. Ces projections n'ont pas été reprises dans le livre, bien que les deux prologues aient été réunis pour former l'épilogue du livre. Les projections ont été conçues comme une introduction à une expérience singulière, différente, liée au temps et imagée par rapport à celle évoquée par les illustrations et les textes au mur. Chaque projection comprend 80 diapositives présentées en permanence avec une pause de quinze secondes entre chacune, dans une salle de projection à part, avec des inscriptions et un texte d'accompagnement disponibles dans un livret en dehors de la pièce...

Allan Sekula